Désobéissance.
Je
suis un petit merdeux, en pleine crise d'adolescence, je le sais et je fais
enrager les deux Grands, mais c'est plus fort que moi. Ils disent toujours que
je suis sage quand je suis à la maison, parce que j'attends patiemment leur
retour et que je ne ronge rien du tout (pas besoin, j'ai mes jouets, ça me
suffit). Aujourd'hui, nous étions au grand Jardin, les deux Grands étaient
contents de m'y emmener parce qu'ils savaient que je n'avais pas beaucoup
gambadé dans la semaine, et même qu'on est allé dans la forêt, et c'est là que
j'ai été un peu con, il faut bien le dire.
Tout a commencé quand j'ai vu les moutons (ces grosses bestioles qui sont
emballées dans des trucs laineux, comme les humains avec leurs vêtements,
ridicules!). Ils étaient un peu plus haut que le chemin, et quand je les ai
vus, j'ai foncé vers eux, avec déjà l'idée de leur croquer les cuissots. Mais
soudainement, une clôture s'est mise devant moi, et j'ai ressenti comme une
force qui m'a empêché de passer et qui m'a figé sur place parce que ça faisait
très mal, j'ai beaucoup couiné puis j'ai été obligé de faire marche arrière,
tout ébouriffé que j'étais, sans avoir pu croquer les cuissots.
Plus tard, j'étais ravi, parce que j'ai croisé une petite demoiselle-chien, qui s'appelait Prune. Elle était encore bébé et elle a eu un peu peur de moi, je l'ai vu, alors j'ai fait le grand, je me suis mis bien droit devant elle, avec les oreilles et la queue dressées pour l'impressionner encore plus. On a joué un moment, puis les Grands ont voulu que je revienne au pied (ils ne répètent que ça en ce moment : "au pied Lucien"). Ils m'ont même collé la laisse parce que je n'écoutais pas grand'chose. On a continué la balade et bien plus loin, j'ai de nouveau eu le droit à ma liberté, et dès que j'ai entendu le "clic" de la laisse, j'ai filé ventre-à-terre vers la jeune Prune à qui j'avais encore plein de choses à montrer. Très vite, alors que je courais aussi vite que je pouvais, j'ai entendu les pas lourds et pressés du Grand derrière moi qui criait "Lucien, au pied" et plein d'autres choses pas très gentilles. Mais ça m'était égal, il fallait que je retrouve cette petite chienne. La course a duré un moment, et quand le Grand m'a rattrapé, il était très fâché, il m'a secoué et m'a remis la laisse. Plus tard, la Grande m'a même mis le licol pour que je ne tire plus. Au retour, après m'avoir passé les pattes sous le jet de la fontaine, parce que j'étais tout crotté, j'ai été enfermé dans une toute petite pièce sombre et j'ai couiné. J'étais puni. Mais je ne sais pas si j'ai encore bien compris. Galoper après les autres chiens, c'est bien plus fort que moi.